Rapport d'information : Accroître la performance des politiques de l'emploi (2/3)
Rapport d'information déposé en application de l'article 146-3, alinéa 8, du Règlement par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en oeuvre des conclusions du rapport d’information (n° 4098) du 15 décembre 2011 sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe et présenté par Mm Michel HEINRICH ET Régis JUANICO, Députés.
Consulter / Télécharger : Partie "Accroître la performance des politiques de l'emploi (pages 17 à 27)
ACCROÎTRE LA PERFORMANCE DES POLITIQUES DE L’EMPLOI
La démarche adoptée pour évaluer la performance des politiques sociales en Europe a privilégié notamment l’analyse comparée des politiques de l’emploi.
En s’appuyant sur les travaux de comparaison réalisée à la demande du CEC par le cabinet Euréval, l’audition de nombreux acteurs des politiques de l’emploi et des déplacements en Suède, au Royaume-Uni, à Bruxelles et en Allemagne, les rapporteurs ont proposé une synthèse des travaux de recherche et d’évaluation les plus récents sur le retour à l’emploi.
De ces travaux de recherche découlent plusieurs enseignements solidement étayés, qu’il convient de diffuser largement et de rappeler dès que l’attention du législateur est appelée sur les questions relatives à l’emploi. Notamment, les exonérations de charges sociales doivent être rigoureusement ciblées sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Un accompagnement intensif et personnalisé permet un retour à l’emploi plus rapide que la formation professionnelle qui occupe à temps plein le demandeur d’emploi pendant une durée certaine et peut donc l’éloigner durablement du marché du travail. Alors que le chiffre de 3 millions de demandeurs d’emploi a été dépassé,
la performance de l’accompagnement des demandeurs d’emploi et celle de Pôle Emploi sont une impérative nécessité. Le présent rapport de suivi fait état des réponses apportées par le Gouvernement aux sept préconisations des rapporteurs relatives au service public de l’emploi.
A.– RENFORCER ET RÉFORMER L’OPÉRATEUR PÔLE EMPLOI
1. Des moyens enfin renforcés mais toujours pas adaptables à la conjoncture
S’appuyant sur une étude de l’Inspection générale des finances (1), les rapporteurs avaient mis en évidence la faiblesse des effectifs du service public de l’emploi français, par rapport à ses homologues allemand et britannique, en particulier en matière d’accompagnement au retour à l’emploi.
Le rapport préconisait une augmentation significative des moyens de Pôle Emploi, compte tenu du niveau de chômage en France. Toutefois, les expériences britannique et allemande suggéraient qu’il était dans l’intérêt des usagers comme des finances publiques qu’une augmentation rapide et massive puisse être suivie, lors de la décrue du chômage, d’une réduction. Dans cette perspective, les rapporteurs préconisaient de permettre un recours accru aux CDD à Pôle Emploi (recommandation n° 10).
(1) Étude comparative des effectifs des services publics de l’emploi en France, en Allemagne et au Royaume-
Uni, rapport n° 2010-M-064-02 de l’inspection générale des finances, par Mme Véronique Hespel, M. Emmanuel Monnet et M. Pierre-Emmanuel Lecerf.
Le 2 juillet 2012, devant la Convention nationale de l’encadrement de Pôle Emploi, M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a annoncé un renforcement des moyens dédiés à l’accompagnement des chômeurs. 2 000 équivalents temps plein seront redéployés d’ici 2014, vers l’accompagnement renforcé, comme le prévoit la convention tripartite. En plus de ce redéploiement, prévu initialement,
2 000 recrutements supplémentaires, en CDI, compléteront le dispositif en 2012, toujours pour l’accompagnement renforcé. Priorité sera donnée dans une partie de ces recrutements à ceux qui sont en CDD au sein de Pôle Emploi. Selon le ministre, cet effort « représente un accroissement de près 30 % des ressources consacrées à cet accompagnement sur le terrain ». Il s’agit d’augmenter les moyens de Pôle Emploi pas seulement pour quelques mois mais durablement. Dans sa réponse au questionnaire que lui ont adressé les rapporteurs (1), le ministre confirme que « le Gouvernement a fait un effort tout particulier pour Pôle emploi pour 2013 en accroissant sa dotation de près de 8 %, pour financer intégralement les 2 000 ETP supplémentaires annoncés. Le Gouvernement a bien conscience de l’utilité de mécanismes réversibles, permettant de redéployer vers les instruments les plus utiles en fonction de la conjoncture les moyens libérés par des économies portant sur des postes de dépenses moins pertinents. À ce stade cependant et compte tenu des perspectives de court et moyen terme (intégrant notamment les perspectives de croissance à l’échelle européenne et mondiale et le dynamisme de la population active en France), la question de la décroissance des effectifs de Pôle emploi ne se pose pas. »
Les rapporteurs se félicitent de l’augmentation significative et durable des effectifs de Pôle Emploi, dont la faiblesse était patente en comparaison internationale. Toutefois, il n’est pas certain que ces moyens supplémentaires soient suffisants (voir infra). Ils insistent donc sur la nécessité d’une réflexion sur la réactivité du service public de l’emploi, à la hausse comme à la baisse. La convention collective, qui impose que le taux de contrats à durée déterminée à Pôle Emploi ne dépasse pas les 5 %, est-elle adaptée à cet enjeu de réactivité ? Des redéploiements des fonctions supports vers l’accompagnement sont-ils encore envisageables ? Des redéploiements d’effectifs vers des régions plus touchées que d’autres par la crise économique sont-ils possibles ? Voici les quelques questions qui pourraient alimenter cette réflexion.
2. Rapprocher Pôle Emploi des usagers et des territoires : un objectif bienvenu du plan stratégique 2015
a) Des signes encourageants dans le sens d’une meilleure écoute des usagers La table ronde organisée par les rapporteurs avec les représentants des principales associations de demandeurs d’emploi avait révélé un profond malaise (1) Cf. annexe n° 5 du présent rapport. et une communication rompue, du fait d’un discours dénoncé par les demandeurs d’emploi comme coercitif et culpabilisant. Les rapporteurs avaient invité Pôle Emploi et le Gouvernement à mieux associer les représentants des demandeurs d’emploi à l’élaboration des dispositifs les concernant, par exemple en réactivant les comités de liaison, et à poursuivre l’effort d’écoute et de médiation initié par le Médiateur de Pôle Emploi (recommandation n° 11). La réponse du ministre Michel Sapin indique que « le rôle des comités de liaison a été conforté par Pôle emploi par une instruction du 2 février 2012 […] En outre, soucieux d’associer au mieux les représentants des demandeurs d’emploi aux réflexions qui les concernent directement, le ministre a reçu l’ensemble de ces associations en présidant le comité national de liaison du 5 juillet 2012. » (1)
Lors de son audition par les rapporteurs, M. Jean Bassères s’est dit personnellement convaincu de l’importance d’améliorer cet aspect. Outre le comité national, un comité a été reconstitué dans chaque département. Un travail est entrepris avec les associations de chômeurs sur la rédaction des courriers, pour les rendre plus accessibles. D’autres initiatives, comme l’affichage d’informations sur les prestations dans les agences, sont conduites à demande de ces associations et en lien avec elles. S’agissant de la mesure de la satisfaction des usagers, le plan stratégique Pôle emploi 2015 prévoit que les enquêtes existantes – le baromètre de satisfaction, notamment – évolueront afin de mieux mesurer la qualité de l’offre de service.
b) Des efforts à poursuivre pour simplifier le « millefeuille » territorial
La comparaison internationale montre combien la France se distingue de ses voisins européens par la complexité de sa gouvernance. Une simplification du paysage institutionnel doit être recherchée à moyen terme, en encourageant les initiatives locales de rapprochement des composantes du service public de l’emploi, des acteurs de l’initiative économique ou des collectivités territoriales dans des lieux uniques, facilitant les synergies (recommandation n° 5).La convention tripartite entre l’État, l’Unédic et Pôle Emploi pour 2 012-2014, signée le 11 janvier 2012, et le plan stratégique de Pôle Emploi pour 2015 qui en découle, prévoient de « rapprocher Pôle Emploi des usagers et des territoires ». Le plan stratégique redonne des marges de manoeuvre aux gestionnaires locaux pour adapter l’offre de service et renforcer la coordination avec les autres acteurs du territoire, en particulier avec les départements pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Lors de son audition, le directeur général de Pôle Emploi a affirmé qu’il partageait ce souci d’une meilleure gouvernance locale. Pôle Emploi s’était (1) Cf. annexe n° 5 du présent rapport montré en effet un peu « autocentré », dans ses relations avec ses partenaires. L’effort de partenariat a été mal mené, en particulier s’agissant des bénéficiaires du revenu de solidarité active, dans un contexte difficile. Mais si la volonté de renouveler les partenariats, notamment avec les acteurs départementaux, est clairement affirmée, des interrogations persistent sur les moyens d’obtenir une coordination effective dans tous les départements (voir infra).
La région constitue, pour le Gouvernement, le nouvel échelon stratégique, et les instances de gouvernance existantes à ce niveau pourraient être repensées et simplifiées dans le cadre de réformes à venir. Le directeur général de Pôle Emploi se dit favorable à ce que les régions pilotent dorénavant les achats de formation. Il souhaite cependant que Pôle Emploi soit associé au diagnostic, qu’un outil de prescription retraçant toutes les formations existantes soit à la disposition des conseillers, et que les formations d’adaptation au poste et les préparations opérationnelles à l’emploi restent assurées par Pôle Emploi. Au niveau infra-départemental, celui des bassins d’emploi, le Gouvernement souhaite exploiter davantage la dynamique des « SPEL », les services publics pour l’emploi, qui portent une vision conjointe et pragmatique du territoire. Ces instances opérationnelles articulent les interventions et les financements des partenaires que sont l’État, Pôle emploi, les missions locales, les collectivités territoriales – notamment communes et intercommunalités impliquées en matière de développement local et de politique de la ville –, les chambres consulaires, ainsi que, parfois, les maisons de l’emploi. Selon les informations transmises aux rapporteurs, l’objectif de ces instances est d’installer une coordination des acteurs de l’emploi centrée sur l’action (et non le partage d’information). L’hypothèse d’un copilotage du SPEL par les élus locaux pourrait être étudiée. Cette hypothèse est déjà une réalisation concrète en Rhône-Alpes. La clarification des compétences et des responsabilités opérée prochainement par la loi de décentralisation devra permettre de stabiliser un modèle de territorialisation de l’emploi et de consolidation des actions des collectivités sur des champs connexes ou contribuant directement à la lutte contre le chômage.
Si ces engagements constituent indéniablement un signe encourageant, les rapporteurs seront attentifs à ce que l’acte III de la décentralisation annoncé se traduise effectivement par une meilleure gouvernance au service des usagers. Il importe qu’outre des instances de coordination stratégique des politiques d’emploi et de formation, les usagers puissent avoir un parcours simplifié entre les différents guichets susceptibles de les aider à retrouver un emploi (voir infra).
c) Vers une responsabilisation accrue des conseillers et des cadres. Après avoir entendu de nombreux témoignages mettant en cause l’institution du « métier unique », dont l’objectif était que tous les conseillers soient en mesure de maîtriser à la fois l’accompagnement à la recherche d’emploi et l’indemnisation, les rapporteurs ont préconisé que cette notion, déjà inopérante dans les faits, soit clairement abandonnée (recommandation n° 9).
Les réponses du Gouvernement et du directeur général de Pôle Emploi confirment une évolution dans ce sens. Il n’est plus question du métier unique, mais d’un « socle commun de compétences » pour l’ensemble des agents en contact avec le public.
En réponse au questionnaire des rapporteurs, le ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social précise qu’en juillet 2012, un premier bilan chiffré a pu être présenté et donne des éléments provisoires. Ainsi, sur 15 495 agents de l’opérateur chargés du suivi des demandeurs d’emploi, 1 092 pouvaient se prévaloir d’une double compétence.
Le plan stratégique Pôle Emploi 2015 prévoit une déconcentration de l’organisation de l’opérateur et de donner davantage de responsabilités aux managers. Les actions envisagées consistent à accroître les marges de manoeuvre des directions régionales pour les achats de formation notamment, adapter la nature et les conditions d’attribution de certaines aides au regard du contexte territorial, instaurer un droit de tirage local pour le financement de dispositifs spécifiques, tout en veillant à ce que les managers bénéficient d’une analyse des résultats par bassin d’emploi, au regard des problématiques relevées localement, et ce pour chaque public prioritaire (jeunes, séniors, demandeurs d’emploi de longue durée, bénéficiaires du RSA etc.).
Le directeur général de Pôle Emploi souhaite aller plus loin, tout en donnant aux cadres le soin d’évaluer la stratégie de leurs conseillers, au niveau de chaque agence. On pourrait instituer une enveloppe fongible entre les prestations et la formation dans les agences, et un directeur d’agence pourrait lancer un appel à projet pour répondre à un besoin local d’accompagnement. Ces pistes semblent aller précisément dans le sens d’une responsabilisation accrue des gestionnaires, telle que celle recherchée par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 pour le budget de l’État. La mise en place de la nouvelle gestion publique à Pôle Emploi implique préalablement de doter l’opérateur des moyens d’information et de contrôle nécessaires à ce pilotage par la performance. Si cette évolution ne peut être que progressive, les rapporteurs la jugent tout à fait souhaitable, dans l’intérêt des finances publiques et des usagers.
B.– OFFRIR UN ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ ET EFFICACE
1. Une offre de service différenciée : une nouvelle stratégie à évaluer.
L’effet positif de l’intensification des contacts avec les demandeurs d’emploi est l’un des enseignements les plus robustes des évaluations consacrées aux politiques de l’emploi que les rapporteurs ont eu à connaître durant leurs travaux. L’augmentation de la fréquence des contacts est au coeur des stratégies de retour à l’emploi de pays tels que le Royaume-Uni ou la Suède. Une étude allemande menée en 2011 (1) a montré l’effet positif d’un contact fréquent avec le demandeur d’emploi, pour lutter contre le découragement, en particulier en période de crise.
Les rapporteurs ont donc proposé un accompagnement renforcé pour tous, impliquant deux entretiens très rapprochés au début du parcours personnalisé, l’un sur l’indemnisation, l’autre sur le projet professionnel ; un premier entretien dans les cinq jours suivant l’inscription à Pôle Emploi ; et des contacts fréquents avec le demandeur d’emploi (recommandation n° 7).
Force est de constater que le niveau de chômage et les moyens consacrés à Pôle Emploi ne lui permettent pas d’envisager favorablement la mise en oeuvre de cette préconisation. Si la convention tripartite prévoit bien un « accompagnement renforcé », le plan stratégique Pôle Emploi 2015 détaille concrètement des modalités d’accompagnement différencié :
- l’ « accompagnement renforcé », pour les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail ; en principe, la taille des portefeuilles ne pourra dépasser 70 demandeurs d’emploi par conseiller ;
- l’ « accompagnement guidé », pour la majorité des demandeurs d’emploi, pour lequel la direction générale de Pôle Emploi souhaiterait voir les effectifs renforcés ;
- le « suivi et l’appui à la recherche d’emploi », pour les plus autonomes, qui pourra, pour ceux qui le souhaitent, se faire entièrement de façon dématérialisée (Internet, téléphone, smart phone…).
- Le suivi mensuel personnalisé (SMP) qui prévalait antérieurement – un entretien d’indemnisation et de diagnostic, suivi d’un rendez-vous tous les mois après 4 mois – a été jugé irréalisable et anxiogène pour les conseillers qui risquent d’être guidés de manière exclusive par des normes mécaniques, alors que tous les demandeurs d’emploi n’ont pas les mêmes besoins.
En réponse au questionnaire des rapporteurs, le ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social précise que, quel que soit le mode de suivi et d’accompagnement, le demandeur d’emploi bénéficiera d’un conseiller référent désigné au plus tard au 4e mois, et le demandeur d’emploi qui le souhaite pourra à tout moment être reçu par un conseiller. Enfin, un entretien au 9e mois permettra de faire un bilan et de prévenir le risque d’exclusion durable du marché du travail.
Si cette nouvelle stratégie ne répond pas entièrement aux souhaits des rapporteurs, elle est peut-être une façon pragmatique de faire face à la crise actuelle.
(1) Job Search and Job Finding in a Period of Mass Unemployment: Evidence from High-Frequency Longitudinal Data, Alan B. Krueger, Andreas Mueller, IZA DP No. 5450, January 2011.
En tout état de cause, on ne peut que se féliciter de voir définis des objectifs relatifs à la taille des portefeuilles par type de suivi.
Mais des questions demeurent sur les moyens mobilisés pour atteindre les objectifs annoncés. D’après les calculs des rapporteurs, à partir des informations données par le ministère, 8 700 conseillers (en ETP) seraient chargés de l’accompagnement dit « renforcé ». Si le ratio de 70 demandeurs d’emploi par conseiller est respecté, le nombre de bénéficiaires de cet accompagnement dépasserait 609 000 demandeurs d’emploi. Comment seront-ils sélectionnés ? Ce chiffre correspond-il à une réalité ? La proportion de demandeurs d’emploi susceptibles d’avoir besoin d’un accompagnement renforcé est-elle connue ? Une étude a-t-elle été menée pour connaître la proportion intéressée par le suivi dématérialisé ?
Les rapporteurs souhaitent que cette stratégie fasse l’objet d’une évaluation régulière et que le Parlement soit informé des résultats. Il s’agit d’éviter que l’accompagnement dit renforcé soit réservé aux seuls chômeurs de longue durée, au détriment de ceux qui, précisément, pourraient éviter le chômage de longue durée grâce à un accompagnement adapté dès le début de leur prise en charge, notamment les parents isolés (voir infra).
2. L’approche globale du demandeur d’emploi : un souci partagé mais des questions quant aux moyens affectés.
Les rapporteurs ont acquis la conviction qu’une approche globale du demandeur d’emploi et de ses difficultés est un facteur clé de succès pour les politiques de l’emploi. Cette recherche d’une plus grande transversalité était au
coeur de leur rapport.
S’agissant du retour à l’emploi, l’approche globale préconisée par les rapporteurs comportait plusieurs dimensions :
- le rapprochement des acteurs de l’insertion professionnelle et sociale au niveau local ;
- la lutte contre les freins dits « périphériques » au retour à l’emploi (aides à la mobilité, à la garde d’enfants…) ;
- l’accompagnement des demandeurs d’emploi en amont et en aval de la perte ou de la reprise d’un emploi.
Les rapporteurs réaffirment l’importance de cette approche globale pour lutter contre le chômage de longue durée et l’exclusion, pour accélérer le retour à l’emploi en mobilisant tous les leviers disponibles. La transversalité est l’enjeu principal d’une augmentation de l’efficacité du retour à l’emploi en France (recommandation n° 8).
a) Des interrogations sur les moyens de renforcer effectivement la coordination entre les acteurs de l’aide sociale et ceux du retour à l’emploi.
Le renforcement de la coordination entre les acteurs locaux est une nécessité, au regard de la complexité de la gouvernance actuelle et des objectifs de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA). Les rapporteurs ont proposé plusieurs actions concrètes, comme l’organisation de formations communes aux conseillers de Pôle Emploi et aux travailleurs sociaux ou encore le développement d’un accueil commun.
Les relations avec les conseils généraux sont pour l’instant contrastées.
Lors de son audition, le 28 septembre 2012, le directeur général de Pôle Emploi a reconnu que le suivi des bénéficiaires du RSA devait encore être amélioré. Dans des départements où la coordination est inopérante entre les conseils généraux et Pôle Emploi, des conseillers ont reçu des bénéficiaires du RSA, dont la recherche d’emploi était freinée, si ce n’est empêchée, par des soucis de santé, de prise en charge ou des problèmes familiaux. Faute d’avoir des solutions adaptées à leur proposer, les conseillers ont progressivement cessé de recevoir les demandeurs
d’emploi concernés.
Dans certains départements, la direction territoriale de Pôle Emploi et les conseils généraux ne travaillent pas ensemble, pour des raisons locales, historiques, et les usagers ne bénéficient pas du meilleur service au meilleur coût. Les rapporteurs souhaitent que l’état de la collaboration entre les conseils généraux et les services de Pôle Emploi ou les Dirrecte fasse l’objet d’un diagnostic précis et que celui-ci soit rendu public.
Les rapporteurs se félicitent de voir que le Gouvernement a retenu une autre de leur proposition (recommandation n° 4), en se prononçant en faveur d’une revue de bonnes pratiques, sous une forme proche de la “méthode ouverte de coordination. La relance des travaux dans le cadre de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale qui se tiendra les 10 et 11 décembre 2012 pourrait permettre de dégager des pistes opérationnelles en la matière.
Les bonnes pratiques mises en oeuvre dans certains départements doivent en effet être promues et encouragées. Le Parlement et les citoyens doivent disposer d’une information transparente sur les démarches de coordination locales.
Plutôt que d’imposer un modèle unique, il faut promouvoir ce qui fonctionne déjà localement.
b) Des inquiétudes quant à l’avenir des aides à la reprise d’activité. Les auditions réalisées par les rapporteurs avaient mis en évidence l’importance des aides à la reprise d’activité pour lutter contre les freins dits « périphériques » au retour à l’emploi. Les aides à la mobilité, l’aide au permis de conduire B, l’aide différentielle de reclassement et l’aide à la garde d’enfants pour parents isolés (AGEPI) sont proposées par Pôle Emploi. L’aide personnalisée au retour à l’emploi (APRE) est dispensée par le guichet qui accompagne, en l’espèce, un bénéficiaire du RSA donné (département, Pôle Emploi ou prestataire privé). Bien que cette aide soit théoriquement adaptée aux besoins du demandeur d’emploi et à la discrétion de son conseiller, plusieurs personnes entendues par les rapporteurs avaient regretté que des critères d’attribution aient été réintroduits, altérant leur efficacité et dévoyant la souplesse initiale attendue de ces aides.
En outre, M. Christian Charpy, le directeur général de Pôle Emploi, avait à l’époque évoqué une possible réduction des crédits consacrés à ces aides, constatant que leur prescription par les conseillers déclinait.
Les réponses reçues de la part du ministre et du directeur général de Pôle Emploi se veulent rassurantes mais sont peu renseignées s’agissant des évaluations dont ces aides devraient faire l’objet. M. Michel Sapin confirme que « les aides à la reprise d’activité sont maintenues et seront mobilisées tout particulièrement dans le cadre de l’accompagnement renforcé. » M. Jean Bassères a confirmé que les aides à la reprise d’activité seraient maintenues en l’état, évoquant toutefois des débats sur l’efficacité de l’APRE, destinée aux bénéficiaires du RSA.
Les rapporteurs se félicitent du maintien de ces aides mais s’inquiètent de les voir fléchées en direction d’un public en particulier. Il semble que leur intérêt réside justement dans leur souplesse. Ainsi, diagnostiquer les freins périphériques au retour à l’emploi et dispenser des aides pertinentes dès que possible est un facteur clé d’efficacité pour tous les demandeurs d’emploi.
Une fois encore, ils préconisent de donner plus de marges de manoeuvre aux conseillers et aux travailleurs sociaux dans l’attribution de ces aides. Une évaluation a posteriori de leur montant et de leur emploi pourrait être conduite, en
lien avec les centres d’action sociale.
De façon plus générale, la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre prochains pourrait être l’occasion d’une réflexion sur la levée progressive et cohérente des freins périphériques à l’emploi par les travailleurs sociaux.
c) Des réflexions en cours sur l’accompagnement des bénéficiaires de contrats aidés en amont de leur contrat.
La discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir a montré que l’appel des rapporteurs pour un meilleur suivi des bénéficiaires de contrats aidés avait été entendu. Ainsi, le 5 septembre dernier, lors de la discussion en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale du rapport fait par M. Jean-Marc Germain sur le projet de loi, plusieurs députés ont rappelé l’importance de l’accompagnement des jeunes bénéficiaires. La Commission a adopté un amendement introduisant la nécessité d’un suivi individualisé professionnel deux mois avant la fin du contrat d’avenir, comme l’ont préconisé les rapporteurs.
Le 11 septembre 2012, lors du débat du texte en séance publique, M. Michel Sapin a reconnu qu’ « un des facteurs-clé concerne sans conteste l’accompagnement professionnel et social des bénéficiaires. La commission des Affaires sociales a souhaité inscrire le principe de ce suivi dans la loi et notamment la réalisation d’un bilan relatif au projet professionnel deux mois avant l’échéance du contrat de travail. Les textes réglementaires et les consignes que nous donnerons aux organismes dits “prescripteurs” viendront naturellement préciser ces différents aspects. »
Les rapporteurs se félicitent que le principe d’un accompagnement professionnel tout au long du contrat et en amont de son terme soit désormais inscrit dans la loi.
Cependant, les textes réglementaires devront encore préciser qui sera en charge de cet accompagnement dans l’emploi et la transition professionnelle.
M. Jean Bassères considère que cet accompagnement n’entre pas dans les missions de Pôle Emploi, mais davantage dans celles des missions locales, et qu’il représenterait une charge de travail supplémentaire pour l’opérateur. Il faudra en effet s’assurer que l’employeur respecte ses engagements.
Il revient donc au Gouvernement de désigner un interlocuteur pour les bénéficiaires des contrats d’avenir, doté de moyens suffisants, et de s’assurer qu’il remplit ses missions en lien avec les acteurs de l’insertion professionnelle et sociale.
3. L’engagement de mettre fin à l'instabilité juridique et financière des contrats aidés
Les rapporteurs ont prêté la plus grande attention aux évaluations et aux propos témoignant des risques d’effets « d’aubaine » ou de « file d’attente » inhérents aux contrats aidés. En dépit de ces faiblesses, ils ont estimé que le
recours aux contrats aidés ne devait pas être écarté systématiquement et identifiaient trois cas exemplaires dans lesquels les contrats aidés peuvent être utiles : en période de crise, pour lutter contre les effets à long terme du chômage ; pour les personnes structurellement éloignées du marché du travail ; pour servir de tremplins aux chômeurs de longue durée.
En tout état de cause, les rapporteurs jugeaient indispensable de stabiliser les dispositifs et les moyens qui y sont affectés. Les changements incessants de règles concernant les contrats aidés (nombre, montant de l'aide de l'État, conditions de renouvellement durée et qualité des contrats…) ont des effets très déstabilisants pour les structures qui les emploient (associations, collectivités) mais surtout pour les bénéficiaires. Il faut assurer au dispositif des contrats aidés de la visibilité, de la stabilité et de la continuité dans le temps (recommandation n° 6).
Dans sa réponse aux rapporteurs, le ministre assure que la question de la performance des politiques menées, et notamment celle des contrats aidés, auxquels la France consacre un niveau de dépenses élevé en comparaison
internationale, a bien été identifiée par le Gouvernement.
Le 2 juillet 2012, devant les cadres de Pôle Emploi, M. Michel Sapin est revenu sur une précédente annonce : « Les contrats aidés sont un des leviers importants pour vous pour les publics les plus fragiles. […] J’ai obtenu une enveloppe supplémentaire de 80 000 contrats aidés pour le second semestre, afin d’éviter la chute brutale de ces offres. Nous avons aussi allongé la durée des contrats CAE, pour mettre fin à une dérive vers des contrats très courts et donc de moindre qualité pour l’insertion des bénéficiaires. Pour 2013, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, le nombre des contrats aidés sera maintenu. » (1)
Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit en effet 340 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) dans le secteur non marchand et 50 000 contrats initiative-emploi (CIE) dans le secteur marchand. L’enveloppe reste constante par rapport à la loi de finances pour 2012.
D’après les informations transmises par le ministre aux rapporteurs, la répartition infra-annuelle des enveloppes se fera de manière à permettre une prescription lissée dans le temps afin d’éviter tout phénomène de « stop and go ». La répartition initiale entre les deux semestres sera équilibrée et le suivi hebdomadaire des prescriptions sera utilisé pour redéployer les enveloppes régionales, le cas échéant. Par ailleurs, les préconisations sur les publics prioritaires
de ces contrats resteront identiques, afin d’améliorer la stabilité et la lisibilité du dispositif par les employeurs, les bénéficiaires et les prescripteurs.
D’après le ministre, « les préconisations [des rapporteurs] relatives à une durée plus longue des CAE seront également reprises, afin que la durée moyenne des CAE s’aligne sur neuf mois et non, comme constaté en septembre 2012, sur une durée inférieure à sept mois ».
En outre, avec la mise en place des 100 000 emplois d’avenir prévus, le Gouvernement se fixe un objectif de performance accrue en termes d’accès à l’emploi, à travers la recherche d’un standard élevé de qualité des situations de travail, de l’accompagnement dans l’emploi, de l’accès à la formation et de la préparation de la sortie lorsque l’emploi d’avenir n’a pas vocation à être pérennisé par la structure.
Les rapporteurs se félicitent d’avoir été entendus, s’agissant de la nécessaire stabilité juridique et financière des contrats aidés. Ils se réjouissent également de l’engagement du ministre en faveur de l’allongement de la durée moyenne des contrats aidés et de leur durée hebdomadaire, qui doit être suffisante pour constituer une véritable expérience professionnelle. Ils resteront attentifs à l’évolution de ces indicateurs, en moyenne nationale, mais aussi au niveau local.
L’amélioration qualitative de ces contrats aidés doit être poursuivie, notamment par la mise en place d’un suivi deux mois avant la fin du contrat, comme pour les emplois d’avenir.
(1) Discours de M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le 2 juillet 2012, devant la Convention nationale des cadres de Pôle Emploi.
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